« Lâchez-nous la grappe ! » Les agriculteurs crient leur ras-le-bol partout en France
Paris, 5 nov 2014 (AFP) - Les agriculteurs se sentent incompris, accablés par les contrôles et les réglementations. Ils comptent bien le faire savoir mercredi, les organisateurs craignant des débordements malvenus après la mort d'un militant écologiste sur le barrage de Sivens.
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Le syndicat majoritaire Fnsea et les Jeunes Agriculteurs avaient appelé dès septembre à cette mobilisation, rejoints ensuite par les Chambres d'agriculture. Entre-temps, le barrage de Sivens a ravivé l'exaspération, les agriculteurs de la Fnsea défendant un projet légitime selon eux et destiné à irriguer des terres agricoles.
Des premières actions ont été organisées mardi soir, comme à Chartres, où plus de 300 agriculteurs de la Fdsea et des Jeunes agriculteurs ont déversé plus d'une centaine de tonnes de déchets (fumier, lisier, et autres légumes pourris), ciblant notamment la Mutualité sociale agricole, la préfecture et la Direction départementale de l'agriculture. Parallèlement, 100 à 150 agriculteurs ont muré les locaux de la direction départementale du territoire (Ddt) de Lozère, à Mende.
« Crise identitaire très grave »
Mercredi matin, une vingtaine de Jeunes Agriculteurs ont organisé une opération de contrôle des camions alimentant les cantines de Bercy, en écho à une autre de leurs revendications : que l'État et les collectivités favorisent les produits français dans la restauration collective.
A Paris, les agriculteurs d'Ile-de-France prévoient aussi une distribution gratuite des fruits et légumes. A Pau (Pyrénées-Atlantiques) un millier d'agriculteurs et des dizaines de tracteurs sont attendus. Des cortèges similaires seront organisés à Marseille, Nantes, Bourg-en-Bresse, Valence et en direction de Saint-Brieuc. A Carcassonne (Aude), vignerons et céréaliers ambitionnent de bloquer la ville jusqu'à 17h. A Châlons-en-Champagne, un millier de viticulteurs de la filière champagne, habituellement absente des manifestations agricoles, seront même de la partie avec comme slogan : « Lâchez-nous la grappe ! »
Des slogans similaires, « Laissez-nous travailler », « Y a le feu dans nos campagnes », raisonneront ailleurs dans le pays. « Les paysans dans leur ensemble qui ont une vocation nourricière sont pris dans un carcan économique comme administratif et traversent une crise identitaire très grave », explique à l'Afp Thierry Huet, président de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles (Frsea) Champagne-Ardenne.
« C'est autant une crise morale qu'économique », appuie Xavier Beulin, président de la Fnsea. « Les paysans sont dans un état anxiogène », a-t-il insisté mercredi sur Rmc, dénonçant « des normes qui deviennent insupportables » et « des attaques permanentes, sur le bien-être animal par exemple ».
La goutte d'eau pour eux a été l'élargissement de la directive nitrates (dérivés des engrais azotés) qui a fait basculer près de 4.000 communes et 63.000 exploitations dans l'illégalité et leur impose des investissements parfois coûteux pour limiter la pollution des eaux et une éventuelle prolifération d'algues vertes dans les eaux de surface.
Pour apaiser les tensions sur ce point, la ministre de l'Écologie Ségolène Royal a publié un communiqué mardi promettant d'appliquer la directive nitrates en évitant des contraintes injustifiées.
Appel à défiler dans le calme
Depuis septembre, le gouvernement a tenté de donner des gages aux agriculteurs. L'écotaxe a été enterrée, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a procédé au versement fin octobre par anticipation de 3,4 milliards d'euros d'aides de la Politique agricole commune (Pac). Et encore mardi, il a promis un guide pour favoriser l'achat de produits alimentaires français dans les marchés publics.
Mais la mobilisation a été maintenue car l'inquiétude demeure. Et surtout depuis l'incendie d'un centre des impôts et de la Mutualité agricole à Morlaix dans le Finistère, la Fnsea craint d'être dépassée par sa base et veut reprendre l'initiative. « Pour canaliser » la tension sur le terrain, le syndicat « a compris qu'il fallait des actions de masse comme celle d'aujourd'hui », analyse le sociologue François Purseigle, qui parle d'une « crise de reproduction sociale » d'une profession qui a de plus en plus de mal à transmettre l'outil de production. « Les femmes ne travaillent plus forcément sur l'exploitation, elles réclament des revenus corrects pour leurs maris, et les enfants ne veulent plus reprendre l'exploitation », ajoute-t-il.
Craignant que les manifestations ne dégénèrent, les responsables syndicaux ont d'ailleurs multiplié les appels au calme à l'image de Dominique Barrau, secrétaire général de la Fnsea : « J'appelle à ce que cela se passe bien (pour que) les événements douloureux des derniers jours ne laissent pas la place à des débordements ».
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